Franck Jalabert, 47 ans, est inspecteur de l’Éducation nationale (IEN) sur la circonscription de L’Aigle (Orne), avec une mission départementale sur l’EPS à laquelle il associe le sport scolaire. Une évidence pour un professeur des écoles qui a connu l’USEP dès son premier stage en responsabilité devant une classe.
Franck Jalabert, quel est le rôle d’un inspecteur de l’Éducation nationale ?
Un IEN est en charge d’une circonscription, sous l’autorité du directeur académique (Dasen). Il s’assure de la mise en place, dans les classes, de la politique éducative nationale. Et il inspecte et évalue, lors de « rendez-vous de carrière », la qualité des enseignements dispensés par les enseignants. Sur la circonscription de L’Aigle, vaste et rurale, cela représente 32 écoles et environ 230 enseignants du public et 50 du privé. Je suis aussi chargé des animations pédagogiques et de la formation des enseignants. Je porte enfin plusieurs missions éducatives, dont l’EPS : un champ auquel je raccroche le sport scolaire.
Et en quoi consiste cette mission sur l’EPS ?
Quand j’ai été nommé en septembre 2017, la directrice académique m’a demandé un diagnostic sur l’EPS, sur la base duquel j’ai reçu une lettre de mission. À mon sens, l’EPS ne peut se développer sans partenariats : avec l’USEP en premier lieu, avec les autres fédérations sportives partenaires de l’Éducation nationale ensuite. Ceci dans l’objectif d’encourager les élèves à une pratique physique et sportive régulière.
Et quel était votre diagnostic ?
Le principal constat était que les 3 heures d’enseignement prévues dans les programmes n’étaient pas respectées : on était plus près de 2 heures. L’équipe « EPS Prim 61 », qui réunissait 6 conseillers pédagogiques (CPC) et m’a apporté toute sa connaissance de terrain, avait également mis en évidence des problèmes de gestion du matériel. Enfin, 40 % des écoles n’avaient pas accès à un centre aquatique pour apprendre à nager.
Quels changements avez-vous impulsé ?
J’ai revu le mode de fonctionnement de l’équipe et le positionnement des CPC EPS, en incluant lors de nos 5 journées de réunion annuelles un temps de découverte d’une activité physique, sportive ou artistique (APSA), animé par une fédération partenaire : danse, rugby, escrime, golf… Comment s’appuyer sur cette APSA en milieu scolaire ? Comment construire des formations associées avec la fédération ? L’EPS est une culture et les élèves doivent pouvoir pratiquer le maximum d’activités sportives de référence. Pour cela, il faut être en capacité d’accompagner les enseignants, leur ouvrir le champ des possibles. Le meilleur exemple, c’est la dynamique enclenchée autour de l’escrime : depuis la venue d’un éducateur de la FFE pour la formation des CPC EPS, de nombreuses écoles proposent sa pratique.
L’Orne se distingue par son grand nombre d’écoles labellisées Génération 2024…
À ce jour, 38 écoles le sont et de nouvelles demandes nous parviennent, ce qui signifie que l’objectif de 20 % d’écoles labellisées d’ici 2024 est déjà dépassé dans le département. Pour y parvenir, nous avons repéré les enseignants susceptibles de porter ce projet. S’ils ne l’étaient pas encore, nous les avons mis en relation avec l’USEP, et avec le comité départemental olympique. Nous les avons accompagnés dans le montage du projet, afin qu’ils puissent le défendre en conseil des maîtres et engager l’école. Car, au départ, cela repose plus souvent sur l’intérêt d’un ou deux enseignants que sur l’adhésion de toute une équipe.
Ce label favorise-t-il vraiment la pratique sportive des enfants ?
Le label n’est pas une fin en soi, mais un moyen. Sa réussite dans l’Orne ne se mesure pas à ce chiffre de 38 écoles, mais au fait que dans ces écoles les enseignants sont « aspirés » par la tête du peloton et animent les 3 heures hebdomadaires d’EPS prévues dans les programmes. Mais l’effet du label ne s’arrête pas là. Une école a par exemple déposé un projet de classe de découverte sur un centre équestre, et une autre pour assister à un match de la Coupe du monde de football féminine. C’est toute une dynamique, dans laquelle s’inscrit aussi l’apprentissage « massé » de la natation, que nous développons à travers des séances concentrées sur une semaine, avec un hébergement dans l’internat d’un lycée : une réponse concrète au diagnostic initial.
Avant d’être nommé IEN dans l’Orne, vous étiez dans l’Eure un CPC impliqué à l’USEP. En quoi cette expérience vous est-elle utile ?
Je connais l’USEP depuis plus de 20 ans. Précisément depuis 1997 et mon premier stage d’enseignant en responsabilité devant une classe, à Mantes-la-Jolie (Yvelines). L’enseignante que je remplaçais m’a dit : « Dans 3 semaines il y a une rencontre Usep athlé : tu y participes ? » J’y ai rencontré un CPC EPS, animateur USEP sur la circonscription du quartier du Val Fourré à Mantes, et il m’est apparu comme une évidence que l’USEP était un vecteur formidable pour déployer non seulement l’EPS, mais également des valeurs de citoyenneté et de solidarité auxquelles j’adhérais profondément.
Nommé ensuite dans l’Eure, j’ai notamment participé au P’tit Tour avec mon école d’Ivry-la-Bataille. Puis, quand je suis devenu CPC EPS, on m’a sollicité pour entrer au comité départemental. J’y ai appris à connaître les rouages de la fédération, du local au national, et les outils pédagogiques proposés pour accompagner la construction d’un citoyen sportif, éduqué à la fois sportivement et socialement.
Quel lien établissez-vous entre l’EPS et l’USEP, en temps et hors temps scolaire ?
Ce lien est naturel, et les pratiques en temps scolaire et hors temps scolaire sont pour moi indissociables l’une de l’autre. L’essence même d’une fédération sportive scolaire est d’agir dans la continuité du temps scolaire. Mais l’USEP est le vecteur de valeurs si fortes, et d’outils si intéressants, que cela n’aurait pas de sens de les limiter aux seuls licenciés pratiquant en dehors des heures de classe. Il faut aussi faire vivre l’USEP en temps scolaire, pour amener les élèves à continuer ensuite hors temps scolaire. Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre.